Chez Les Bleus — Episode 5

DIX JOURS PLUS TARD -- APPARTEMENT DE TIMOTHÉ

Cela fait maintenant presque trois semaines qu’Adam et Timothé sont ensemble. Ils continuent de se découvrir et de s’apprivoiser, tout en passant des moments agréables et des soirées assez torrides.
Ce matin, Adam se réveille doucement. Il n’a pas très bien dormi, il squatte toujours le sol de la chambre avec Timothé. D’ailleurs il s’aperçoit que ce dernier n’est pas à ses côtés, mais l’entend déjà sous la douche. Il se frotte les yeux, s’étire, puis se lève doucement et prend la direction de la cuisine où il se sert un verre de jus d’orange. Il reste un moment le regard dans le vide, il songe à cette histoire qui prend une tournure sérieuse et commence donc à le faire légèrement paniquer.
Il revient à la réalité et se dirige vers la salle de bain. En arrivant, il découvre la silhouette de Timothé sous la douche. Dos à lui, exposant son magnifique fessier musclé et légèrement poilu. Ses dorsaux bougent dans une chorégraphie magnifique, au rythme de ses mains qui coiffent ses cheveux à l’arrière, aidé de l’eau qui glisse dans le creux que dessinent ses deux omoplates saillantes.
Adam enlève son caleçon et le rejoint sous la douche. Il se glisse derrière lui, pose ses mains sur ses hanches et dépose de tendres baisers dans son cou. Timothé bascule la tête sur le côté pour apprécier encore davantage les lèvres de son partenaire sur sa peau, qui lui provoquent un léger frisson.
- Réveillé ? demande Timothé
- Oui, heureusement que je ne compte pas sur toi pour me lever à l’heure.
- À l’heure de quoi ? Tu ne travailles pas ce matin.
- Comment ça ?
- Bah oui, tes horaires sont décalés, tu bosses ce soir.
- Ah ouais c’est vrai qu’on est le 14 juillet, putain ça fait chier… je suis décalé pour le service d’ordre de ce soir, ça me saoule d’avance. Mais comment tu sais ça toi au fait ?
- Peut-être parce-que c’est moi qui dirige le service d’ordre, répond Timothé en souriant.


- Donc en plus je vais t’avoir sur le dos toute la soirée ? Super ! répond Adam, avec un faux air agacé.
- Ehhh ! répond Timothé
- J’déconne ! Au contraire, j’suis content que tu sois là, au moins ça ne sera pas le bordel comme chaque année.
- C’est un compliment ?
- Bah ouais.
- Faut pas te sentir obligé tu sais…
- Mais n’imp ! Je suis sincère, tu connais ton taf et ça se voit, comparé à d’autres qu’on a déjà eu sur ce genre de missions et où c’est parti en vrille.
- Je te remercie alors ! répond Timothé tout en se retournant pour venir l’embrasser. “Je suis content de t’avoir avec moi aussi ce soir.”, ajoute-t-il entre deux baisers.
- Mais moi… je ne fais qu’obéir à mon commissaire, répond Adam tout en se mordant légèrement la lèvre en signe d’excitation.
- Ah oui ?
- Oui, commissaire. Prêt à obéir aux ordres, continue Adam en continuant de se mordre la lèvre, faisant maintenant glisser sa main le long du torse de Timothé jusqu’à venir saisir sa queue et commencer à la masturber.
- Alors commence par toi, je veux te voir…

Adam, un peu surpris mais en même temps emballé, lâche un petit sourire montrant son excitation. Il recule un peu et vient s’appuyer contre la paroi vitrée de la douche italienne, glisse une main derrière sa tête et de l’autre, commence à se masturber. Il se met à pousser de légers gémissements, qu’il exagère volontairement quand il voit l’impact qu’ils ont sur Timothé, qui le dévore littéralement du regard. Il se met à soutenir son regard, tandis que sa seconde main quitte l’arrière de sa tête pour venir se placer à l’entrée de son trou. Il s’insère alors lentement un premier doigt tout en lâchant un puissant gémissement de plaisir, comme de soulagement.

Soutenant le regard de Timothé, continuant de se mordre la lèvre et de gémir de plaisir, il se branle et se doigte vigoureusement, pour le plus grand plaisir de son mec qui ne sait plus où regarder pour prendre son pied.
Le corps musclé et tané d’Adam est encore plus excitant lorsqu’il se tord sous ses gémissements, recouvert du filet d’eau chaude de la douche qui le fait légèrement briller. Ses abdos se mettent en mouvement et paraissent encore plus saillants, ses pectoraux se contractent. Toujours en train de se pénétrer avec un doigt, Adam regarde Tim dans les yeux puis donne un léger coup de regard en direction de son sexe, lançant “Je préfererais quand m​ême que ce soit votre queue, commissaire…”
- Viens là ! lance Tim.
Adam sourit et s’approche. Timothé appuie alors sur son épaule pour lui faire comprendre de s’agenouiller. Il n’en faut pas plus à Adam qui descend en léchant à pleine langue les abdominaux de son mec jusqu’à arriver à sa queue. Il commence par déposer des baisers sur sa tige, ses bourses, son pli inguinal, puis il les remplace par sa langue qui vient tantôt lécher tantôt titiller ces zones érogènes. Remontant d’un coup de langue sur toute la hauteur de sa queue, il l’avale ensuite entièrement jusqu’en gorge profonde. Timothé ne peut se retenir de lâcher un puissant “Ah !” de plaisir, venant basculer sa tête à l’arrière pour s’appuyer contre le carrelage pourtant froid de la douche.
Le filet d’eau chaude continue de couler sur eux et la vision d’Adam à genoux devant lui, le fixant dans les yeux, les cheveux mouillés et plaqués à l’arrière, gobant son chibre à pleine bouche est des plus excitante. Ses lèvres légèrement pulpeuses enserrent parfaitement bien son gland. Il le saisit par la nuque et le maintient tandis qu’avec ses reins il se met à dicter le rythme de son entrée jusque dans sa gorge. Toujours en le maintenant, il le force maintenant à se relever. Adam ne peut s’empêcher de se frotter les yeux, rouges car remplis d’eau. Ils s’embrassent langoureusement, leurs mains se baladant dans leurs dos ou sur leurs fesses.
- Maintenant, tu ne bouges plus ! dit Timothé en tournant puis plaquant Adam contre le carrelage, lui occasionnant un spasme à cause du froid.

À son tour, Tim descend le long du torse de son compagnon en y déposant des baisers et des coups de langue, jusqu’à venir gober son sexe. Il se met alors à le sucer vigoureusement, laissant sa langue s’agiter autour de son gland, pour le plus grand plaisir du Gardien qui déjà, pousse de longs gémissements de plaisir. Adam ne peut s’empêcher de passer sa main dans les longs cheveux mouillés de Timothé, qu’il vient ranger à l’arrière en glissant ses doigts au travers.

Tandis qu’il s’aventure sous les boules d’Adam, Timothé lui fait opérer un volte-face et il vient cette fois écarter vigoureusement ses deux fesses musclées et bombées pour y glisser sa langue. Adam ne peut qu’avouer que son gars est particulièrement doué pour ça. Il ne sait pas comment il s’y prend, mais il lui procure avec sa langue des sensations qu’il ne peut décrire et qui le font simplement décoller. Adam s’appuie contre le carrelage pour se cambrer davantage encore en direction de son mec et faciliter le passage de sa langue, pour son plus grand plaisir.

Après de longues minutes affairé à préparer son passage, Tim pointe son sexe à l’entrée des fesses d’Adam, dans lesquelles il pénètre assez facilement malgré l’eau. Adam, toujours cambré contre le carrelage de la douche, pousse un long gémissement de plaisir au fur et à mesure qu’il sent ce membre imposant entrer en lui jusqu'à la garde.
Timothé marque un temps et vient embrasser son cou. Il se retire lentement puis reprend sa pénétration langoureuse, toujours sous les gémissements de son gars. Puis il accélère, d’abord doucement puis plus sauvagement. Le bruit du claquement contre les fesses d’Adam commence à résonner dans la salle de bains, difficilement masqué par ses cris de plaisir et ses encouragements “Ah ouais, ah… encore commissaire !” lance-t-il en tournant son visage en direction de Tim, qui en profite pour l’embrasser tout en accentuant encore ses assauts.
Timothé semble infatigable et il continue de pilonner avec ardeur le cul de son mec, obligé de se mordre la lèvre pour se retenir de crier si fort qu’il ameuterait la moitié du commissariat.

- C’est ce que tu voulais non ? demande Timothé
- Oui commissaire, encore ! Baisez-moi !
Timothé ralentit le rythme mais se retire presque entièrement à chaque fois avant de s’insérer à nouveau dans son gars dans un geste quasi agressif, ce qui fait décoller Adam encore davantage. Finalement, tandis qu’il reprend un rythme plus soutenu et qu’Adam lâche des derniers cris de plaisir, il annonce qu’il va jouir.
- Sur moi, commissaire ! lance Adam.
Timothé se retire et Adam vient s’agenouiller devant lui pour recevoir sur sa langue et sur son visage les longs jets de sperme que Timothé envoie en poussant des soupirs de plaisir. Se masturbant en même temps, Adam envoie à son tour de puissants jets de sperme directement dans la vasque de la douche, tandis qu’à genoux il continue de sucer le bout de la queue de Tim du bout de ses lèvres.

Les deux amants, passablement essoufflés par cette baise torride, se logent dans les bras l’un de l’autre pour reprendre leur respiration. La chaleur de l’eau n’aidant pas. Un épais nuage de vapeur se dissipe dans toute la salle de bains. Enlacés, la tête d’Adam sur l’épaule de Tim, ils profitent juste de cet instant ensemble. Adam ne peut s’empêcher de réfléchir à cette situation. Il sent bien qu’il s’attache à lui, qu’un sentiment qu’il connait si peu commence tout de même à s’insinuer en lui. Qu’au-delà de ses compétences physiques, ce qui rend ces baises avec Timothé si mémorables, c’est aussi cet espèce de lien qui semble peu à peu se tisser entre eux. Et même si les endorphines libérées par cet orgasme le laissent flotter dans un espèce de bonheur, il reste toujours ce petit brin de panique qui pointe son nez lorsqu’il songe au caractère de plus en plus sérieux de cette histoire. Perdu dans ses pensées, il se laisse savonner par Timothé qui applique une noisette de gel douche dans son dos et s’en sert pour le masser en profondeur, soulageant au passage ses épaules douloureuses après sa dernière séance de tractions.
- Ça va ? demande Timothé devant la soudaine absence de son mec.
- Oui ! Oui… je suis juste un peu pensif c’est tout.
- Et tu penses à quoi ?
- À rien, t’inquiètes ! répond Adam tout en venant coller ses lèvres à celles de Timothé pour l’embrasser passionnément.

LE SOIR -- COUR DU COMMISSARIAT CENTRAL

Adam attend dans un coin de la cour avec son groupe. Tous les participants au service d’ordre de ce soir sont présents, dans l’attente du briefing du patron.
Le 14 Juillet est toujours un moment particulier, l’occasion de nombreux affrontements avec la police dans certains quartiers, de dégradations au domaine public, de jets de pétards et de mortiers plus ou moins dangereux et autres infractions. Dans l’après-midi, Timothé a déjà supervisé une fouille des toits des différentes barres d’immeubles d’où ont été délogés des projectiles en tout genre : pierres, pavés, boules de pétanque, machine à laver… Les premiers mortiers et feux d’artifice résonnent déjà au loin.
Adam porte une combinaison bleu marine qui sublime sa silhouette sportive. Il termine de vérifier le matériel de son gilet tactique. Tandis qu’il se bat avec la batterie de sa radio, qui peine à rester enclenchée correctement dans son logement, Timothé apparaît dans la cour, en compagnie du capitaine en charge de la voie publique.
Adam en lâche presque sa radio des mains tant il est sous le charme. Timothé porte une combinaison bleu marine similaire à la sienne, qui le moule parfaitement bien et met en valeur sa silhouette athlétique. Il porte son ceinturon avec son arme sanglée à la hanche et son gilet porte-plaque équipé d’une radio, de deux grenades dans leurs compartiments et d’un container lacrymogène, le tout surplombé par son galon à feuille de chêne de commissaire. Suspendu de l’autre côté de son ceinturon, un casque de maintien de l’ordre. Une oreillette transparente remonte jusqu'à son oreille. Nouée autour d’une des bretelles de son gilet, une écharpe tricolore, signe distinctif des chefs de dispositif sur les opérations de maintien de l’ordre. Adam en a presque la bave au coin de la lèvre et voir son mec dans cette tenue l’excite particulièrement. Il s’imagine bien l’appeler à nouveau “commissaire” tandis qu’il serait en train de se faire prendre sauvagement sur le capot d’une bagnole de police.
- Messieurs dames, bonjour ! lance Timothé en approchant. Avec un grand sourire, il serre les mains des différentes personnes présentes autour de lui. Il glisse un léger clin d'œil au moment de serrer celle d’Adam et ajoute en chuchotant suffisamment bas pour ne pas être entendu “Décidément, tu es toujours aussi sexy dans cette combi”.

Timothé se plante au milieu du groupe et commence son briefing. Il explique tour à tour les rôles de chacun, définit les indicatifs radios, les points de surveillance, les objectifs à tenir. Et ce qu’on peut dire de lui, c’est qu’il est réellement un bon orateur. Il a une facilité à parler en public, il explique clairement, il convainc. Adam retrouve en lui ce certain magnétisme qu’il avait déjà ressenti lors de son arrivée.
- Des questions ? Non ? Alors en place messieurs, bon courage et bonne soirée à tous !

Timothé se dirige vers Adam tandis que ce dernier charge un sac de matériel dans le coffre de son véhicule.
- Tu fais attention à toi ce soir ? dit-il
- Evidemment ! Et puis je ne risque rien, avec un chef de dispo comme toi ! répond Adam en souriant avant de se mordre la lèvre en matant Timothé de haut en bas.
- Non mais sérieux !
Adam finit de ranger le sac, puis se tourne vers Tim, cette fois avec un réel air sérieux : “J’suis sérieux. T’en doutes ?”
- Non ! Non, c’est pas ça… bref. Bon courage !
- Merci, répond Adam, avant de saisir un autre sac pour le charger.
Tandis que Timothé s’éloigne, Adam le rappelle : “Hé patron !”. Timothé se retourne alors vers lui. “Faites attention à vous aussi.” Les deux échangent un dernier sourire puis s’éloignent et retournent à leurs occupations.

PLUS TARD DANS LA NUIT -- CENTRE VILLE

Timothé et Adam sont séparés. Ce dernier se trouve avec sa patrouille sur le Boulevard de la Liberté, où il coupe la circulation et veille à disperser les attroupements. Timothé quant à lui se trouve sur la place principale de la ville, d’où il dirige les opérations. Il se trouve à côté de sa Peugeot 508 de fonction, une carte de la ville étalée sur le capot. À ses côtés, le major Denis, le chef des Proxi qui ce soir lui sert de chauffeur.
Quelques échauffourées ont déjà eu lieu et par endroit des affrontements entre jeunes et forces de l’ordre apparaissent. Mais rien qui ne sorte de l’ordinaire.
Timothé est concentré. Il suit en temps réel les déplacements de foule, consulte sa carte puis donne ses instructions à la radio.

Soudain, son oreillette se met à crépiter lorsqu’un fonctionnaire hurle à la radio “PRIORITÉ ! RENFORT ! RENFORT ! Liberté ! On est pris à partie, ils ont jeté un molotov sur la voiture, le véhicule est en train de cramer, on n’a pas de quoi se replier !”
- De TN, quel est l’indicatif qui transmet ?
- C’est la Prox Alpha ! RENFORT !
- Suivi. TI 120 de TN, c’est suivi ?

Lorsqu’il entend ce message à la radio, son sang ne fait qu’un tour. Timothé n’est pas capable de l’expliquer, mais il sait que c’est Adam qui est en danger.
- Major, donnez-moi les clés !
- Patron ?
- Donnez-moi les clés je vous dis ! Je prends le volant.
Tandis qu’il se dirige vers la portière conducteur, Timothé lance à la radio : “De TI 120, c’est suivi, que les effectifs CRS se rapprochent de Liberté en urgence ! Je fais mouvement.” Il monte dans sa 508 et s’installe au volant. Le major le rejoint côté passager et tandis qu’il installe le gyrophare sur le toit, Timothé démarre déjà en trombe. Il pilote plutôt pas mal et roule à grande vitesse sur les quelques grands axes qui le séparent du lieu des faits.

Quand il arrive sur le boulevard en question, il aperçoit au loin le véhicule de police en feu et la patrouille prise à partie qui cherche hasardeusement un endroit pour se replier. Quatre policiers, porteurs de gilets pare-coups et de casques, tentent désespérément de former une colonne derrière leur unique bouclier en plastique.
Tout s'enchaîne, un nouveau cocktail molotov éclate à leurs pieds, ils reculent mais un policier se retrouve isolé. Quatre individus capuchés, dissimulant le bas de leur visage avec des écharpes, s’approchent et commencent à le lyncher. Coups de pied, de poing, il se retrouve au sol et reçoit à nouveau des coups dans l’abdomen et le dos.
Timothé accélère et remonte le boulevard à grande vitesse. L’un des policiers jette une grenade lacrymogène pour tenter de faire reculer les individus et aller chercher son collègue. Les jeunes reculent, mais tandis que le policier à terre tente de se relever, à genoux en appui sur ses bras, son casque arraché et tombé au sol, l’un d’entre eux s’approche à nouveau.
- Major ! Donnez-moi le flash ! hurle Timothé tandis qu’il opère un frein à main qui vient placer sa 508 à proximité du policier et en travers du boulevard.
Alors que le jeune arme sa jambe pour envoyer un coup de pied fatal en direction de la tête du policier à terre, il reçoit soudain un projectile en plein torse qui le projette au sol. C’est Timothé qui vient de tirer au flash-ball par la fenêtre du véhicule.
- Allez ! Allez ! lance-t-il à ses hommes derrière leur bouclier. Ces derniers se rapprochent alors du policier pour aller le récupérer. Il fait nuit noir, on n’y voit que grâce aux flammes puissantes du véhicule encore en feu et aux lumières bleues intermittentes des gyrophares. Timothé ne parvient pas à discerner quel policier est à terre, mais au fond de lui il le sent. Il sort de sa voiture et se précipite sur le jeune homme au sol, le saisit par le col d’une main et arme son poing en direction de sa tête.
- Patron ! lance le major.
Timothé, dont les yeux brûlent soudainement de haine et de rage incontrôlable, s’immobilise. Le jeune homme, qui parvient probablement à décrypter les envies de qui transparaissent dans le regard du commissaire, n’ose ni bouger ni s’enfuir, les yeux écarquillés de peur. Il y a quelques minutes il était prêt à un flic et là il craint pour sa vie. Timothé a la respiration forte, ses narines s’écartent pour laisser passer son souffle puissant, ses yeux vont éclater, sur son front perlent des gouttes de sueur.
- Putain t’as de la chance ! lance-t-il
Il désarme son poing, retourne le jeune pour le plaquer ventre contre terre puis s’empare de ses menottes pour l’interpeller.
Dans le même temps, cinq autres véhicules de police arrivent sirène hurlante et déjà de nombreux CRS descendent des camions pour former des colonnes et sécuriser le boulevard.
Timothé confie le jeune à l’un de ses collègues. Il scrute les visages parmi les policiers de la patrouille qu’il est venu aider… aucun n’est celui d’Adam. Il comprend alors très vite. S’il n’est pas dans ceux qui sont debout, c’est qu’il était au sol. Il le sentait.
Timothé semble soudain désemparé. Il scrute les alentours à la recherche d’Adam, emmené quelques instants plus tôt. Il passe ses mains dans ses cheveux, il semble comme perdu.
Brutalement, son entraînement revient, son côté militaire impassible refait surface. Il ferme les yeux, inspire, expire et lorsqu’il les rouvre, la concentration est revenue.
Il att le micro de sa radio et donne ses instructions tandis qu’il se dirige vers les camions des CRS en courant.
- Commissaire ?! Ici ! lance l’un des CRS en pointant du doigt l’arrière d’un camion.
Timothé se précipite derrière le fourgon et aperçoit alors le secouriste des CRS en train de dispenser les premiers secours à Adam. Il est en piteux état. Son visage est couvert de suie, sa lèvre inférieure est éclatée, il garde difficilement connaissance.

Timothé s’empare de sa radio : “De TI 120, envoyez les SP au Boulevard Liberté ! Fonctionnaire blessé, conscient, multiples contusions, fractures possibles. Suivi ? Parlez.” -- “Reçu TI on s’en occupe !”
Timothé vient s’agenouiller à côté d’Adam, face au secouriste.
- Il a quoi ?
- Franchement il s’en sort bien ! Son visage est plutôt épargné, à mon avis quelques côtes fêlées, mais il s’est relevé seul jusqu’ici.
- Vous pouvez arrêter de parler de moi comme si je n’étais pas là ? lance Adam, en tentant de se relever, rapidement maintenu au sol par le secouriste.
- Ça va ? demande Timothé. “Les pompiers arrivent, tu ne bouges pas.”
Le secouriste ne peut s’empêcher de lever un sourcil, étonné par tant de proximité entre le chef du dispositif et un gardien.
- Non, ça va ! Le dispo… ils vont faire le tour…
- Hé ! On s’en fou du dispo. Je m’en occupe. Toi tu t’occupes de rester éveillé et tu pars avec les pompiers.
- Mais…
- C’est un ordre ! lance laconique Timothé avant de se relever et de s’éloigner, devant retourner commander ses hommes.

Timothé s’éloigne. Il retourne à son véhicule et s’appuie sur le toit, la tête plongée dans ses mains. Mais rapidement il retrouve une fois encore sa concentration. Il reprend sa radio et donne ses nouvelles instructions. Il se porte auprès des autres fonctionnaires, s’assurer qu’aucun d’entre eux n’est blessé. C’est là que l’une d’entre elles, gardienne stagiaire fraîchement sortie d’école, lui explique qu’Adam s’est retrouvé isolé après être venue la récupérer, elle-même isolée juste avant, se battant seul contre trois casseurs et l’empêchant de se faire sévèrement tabasser. Timothé ne peut s’empêcher de sourire, il reconnaît bien là le courage et l’abnégation de son mec. Quelques minutes plus tard, tandis qu’il se retourne, il aperçoit l’ambulance des pompiers qui s’éloigne en emportant Adam. Il la fixe tandis qu’elle s’éloigne puis disparaît au coin du boulevard.
Le major Denis s’approche de lui. Il tient dans la main le ceinturon et l’arme de service d’Adam, qui lui ont été retirées avant son départ en ambulance.
- M. Garnier vient de partir à l’hôpital patron.
- D’accord, répond Timothé après avoir marqué un temps, fixant le ceinturon d’Adam dans la main du major. Il réalise alors seulement à quel point il était proche de le perdre. Il s’en veut de ne pas avoir fait plus, il s’en veut de ne pas l’accompagner à l’hôpital, il voudrait être dans cette ambulance et à ses côtés. Mais il ne peut pas, le travail avant tout.
Timothé monte alors dans la voiture, côté passager cette fois, tout en lançant au major “Allez-y reprenez le volant.”
Le major monte. Un long silence s’installe tandis que celui-ci démarre le véhicule et quitte les lieux pour retourner sur la place principale. La ville est soudainement déserte, elle paraît calme, presque endormie malgré les événements qui viennent de s’y passer et qui ont encore lieu un peu partout dans d’autres quartiers. Timothé, observant le décor par la vitre, est obnubilé par le reflet intermittent de la lumière bleue du gyrophare sur les façades des immeubles. Il n’est sorti de sa réflexion que par les propos du major :
- Patron ?
- Oui ? répond Timothé en se tournant vers lui.
- Je voulais vous dire… j’me suis trompé sur vous. Je vous prenais pour un petit arriviste sorti d’école, pensant tout savoir mieux que tout le monde. Mais là, ce soir, le petit vous en doit une… sans vous, j’sais pas comment on l’aurait récupéré. Je suis dans la boite depuis presque trente ans vous savez, des patrons comme vous… je les compte sur les doigts d’une main. Vous êtes un vrai flic.
Étonné par ce mea culpa, Timothé reste dans un premier temps muet. Ce n’est qu’après quelques secondes qu’il répond un : “Merci.” auquel le major ne répondra que par un signe de tête.
Le reste de la nuit se fera dans la désescalade progressive de la violence. Vers les cinq heures du matin, les rues retrouvent leur calme. Le bilan est d’une trentaine d’interpellations pour des violences sur les policiers, quelques voitures incendiées et des dégâts au domaine public. Timothé met progressivement fin au dispositif et finit par regagner le parking du commissariat. Le major et lui descendent de la voiture et le premier vient lui serrer la main.
- Bonne nuit patron ! lance-t-il, soudainement empli de respect envers Timothé.
- Merci major, bonne nuit à demain.

Tandis que le major s’éloigne, Timothé fait le tour de la voiture et remonte côté conducteur. Il place à nouveau le gyrophare sur le toit et roule à toute allure en direction des urgences.
Sur place, il croise alors Julie et Issam en faction devant une porte de chambre.
- Patron ? demandent-ils
- Vous allez bien ? demande Timothé en leur serrant la main tout en leur saisissant l’épaule de l’autre, signe de l'intérêt réel qu’il porte à leur condition.
- Oui, oui… nous étions de l’autre côté du centre-ville nous, pas avec Adam… enfin le Gardien Garnier. On est juste là pour l’accompagner et qu’il ne reste pas seul.
- Comment va-t-il ?
- Il doit encore faire quelques examens… un scanner je crois. Il a quelques côtes fêlées, des hématomes et pas mal de contusions. Mais d’après les médecins, c’est un miraculé.
- Bon, c’est une bonne nouvelle. On peut le voir ?
- Euh… oui, répond Julie, un peu décontenancée.
Elle ouvre alors la porte et rentre en compagnie de Timothé dans la salle d’examen. Adam est allongé sur le lit, vêtu d’une espèce de liquette en tissu bleu foncé après qu’ils aient dû découper son uniforme.
- Vous pouvez nous laisser ? demande Timothé à Julie qui, encore plus surprise de cette demande, marque un temps avant de sortir de la chambre et de refermer la porte derrière elle.

Timothé continue de fixer Adam un moment. Miraculeusement, probablement grâce à son casque, son visage est plutôt épargné. Sa lèvre du bas est claquée et il a une ouverture à l’arcade droite refermée par quelques strips. Il semble assoupi, probablement à cause des analgésiques.
Timothé dégrafe son gilet tactique, le pose sur la table puis vient s’asseoir sur le bord du lit. Il plaque à nouveau ses cheveux à l’arrière avec ses deux mains en lui tournant le dos, peinant à le regarder comme par culpabilité.
- Hé… dit Adam d’une voix un peu faible, sortant de son sommeil.
- Hé ! lui répond Timothé en souriant.
- T’aurais pas dû venir… si les autres…
- Je m’en fou ! répond Timothé. “Je voulais te voir, c’est tout. Ce qu’ils pensent ou ce qu’ils disent on s’en branle, ça n’est pas important. J’ai… enfin je… bref on s’en fou !”.
- Comment tu vas ? Le dispo s’est bien passé ?
Timothé ne peut s’empêcher de lâcher un petit rire. Il se tourne vers Adam avec un grand sourire : “T’es là dans ton lit d’hôpital et tu me demandes si le dispositif s’est bien passé ?”
- Bah quoi ?
- Si tu es là, c’est que ça ne s’est pas bien passé ! J’ai commis une erreur. Je vous ai laissé trop exposé, trop peu nombreux… c’était une erreur tactique et je…
- Hé hé hé hé… dit Adam en se relevant, non sans mal, pour venir saisir la main de Timothé dans la sienne. Il s’aperçoit alors que si son mec hésitait autant à se retourner depuis tout à l’heure pour le regarder dans les yeux, c’est parce-que les siens étaient rouges et embués de larmes. Jamais il n’avait vu Timothé si vulnérable. Cet homme qui paraissait imperturbable, intouchable, semblait pour une fois fendre sa carcasse. Mais Timothé s’empressa de sa main libre d’ôter le début de larmes de ses yeux.
- Ecoute Tim, t’as fait ton job. Et moi j’ai fait mon job. On sait tous à quoi s’attendre dans ce boulot et ça… ça en fait partie. Tu n’es pas responsable de ce qu’il s’est passé. Et puis… Julie m’a raconté.
- Raconté quoi ?
- Tu sais très bien.
Timothé marque une légère incompréhension sur son visage.
- Tu connais “Radio police” comme moi, tout le monde le sait déjà. J’étais p’t’être trop dans le gaz pour comprendre ce qu’il se passait, mais les collègues m’ont dit que j’suis en vie grâce à toi.
- Arrête…
- C’est vrai ! Alors arrête de t’en vouloir. T’as été exceptionnel ce soir. Comme toujours.
Adam se rallonge alors dans son lit, rester relevé lui faisant visiblement trop mal. Mais il garde la main de Timothé dans la sienne et ne semble pas décidé à la lâcher. Tim lui, reste prostré dans le silence, encore sous le coup de la culpabilité.
Il finit par prendre une grande inspiration et, toujours sans se tourner face à Adam, il dit à voix plus faible : “J’ai eu peur tu sais.”
- Moi aussi.
- Non, tu ne comprends pas… je n’ai pas eu peur pour moi, ou à cause de la situation. J’ai eu peur de te perdre. Quand j’ai entendu ce message à la radio, tu vas trouver ça con mais… j’ai tout de suite su que c’était toi. Je savais, je… je sentais que tu étais en danger. Alors je suis venu. Je n’ai pas eu besoin de voir ta tête pour savoir que c’était toi à terre. Alors j’ai fait ce que j’avais à faire. Et si ton major n’avait pas été là, j’aurais sûrement massacré ce mec.
Adam se dresse à nouveau dans son lit, laissant juste échapper un petit soupir de douleur, mais trop absorbé par ces soudaines confidences, si rares, de son mec.
- J’ai eu peur de te perdre parce-que la vérité c’est que je t’aime. J’ai beau essayer de me voiler la face, pour rendre les choses plus faciles ou je ne sais quoi, j’ai beau essayer de me convaincre que cette relation n’a pas l’importance que je pense… c’est faux. Je t’aime. Je t’aime, tu comprends ?
Timothé se tourne alors enfin vers Adam, qui le regarde médusé. Enfin ! Enfin son mec fait tomber les défenses. Alors il sourit, bêtement, il rit même un peu.
- Mais moi aussi je t’aime ! Et tu n’imagines pas comment !
Timothé se penche et vient saisir la nuque d’Adam. Ils s’embrassent langoureusement puis viennent coller leur front l’un à l’autre. Les yeux fermés, ils ne parlent pas. Ils n’en ont pas besoin pour se comprendre, pour sentir ce sentiment qui les traverse désormais et la force de celui-ci. Ensemble, ils comprennent que rien ne sera plus jamais comme avant et qu’ils sont désormais invincibles.

Comments:

No comments!

Please sign up or log in to post a comment!